PDG DU MAGAZINE ELLE

 

Comment évolue la marque Elle dans le temps et que devient-elle aujourd’hui ?
Elle a été créée en 1945, par Hélène Lazareff, une femme pleine de convictions. Je retiens d’elle cette phrase, qui régit toujours notre travail : « Le sérieux dans la frivolité, et l’ironie dans le grave. » Des choses légères et des sujets de fond : ce paradoxe est notre ADN. Le Elle accompagne les femmes depuis 72 ans dans leurs combats. Le magazine Elle organise les « premiers états généraux de la femme » en 1970 pour porter les revendications françaises. Les femmes à l’époque sont loin d’être maîtresses de leur corps en termes de procréation. Dans bien des cas, elles sont assignées aux tâches ménagères et à la garde des enfants et celles qui travaillent ont du mal à s’organiser.Les journalistes des magazines sillonnent les régions de France pour examiner la condition des femmes, cerner leurs préoccupations, leurs inquiétudes et enregistrer leurs revendications. Le carnet de chèques, la pilule, l’avortement, aussi les violences faites aux femmes. Nous avons consacré un numéro exceptionnel en novembre dernier où des femmes ont témoigné à visage découvert. Les combats des années 90 et 2000, la laïcité, le voile autant de sujets à la fois universels et intimes que nous avons analysés et sur lesquels nous avons développé et donné notre point de vue. À côté de cela, nous parlons aussi de mode, de beauté et de tendances. Elle ne s’attache pas seulement à ce qu’on voit dans les défilés, mais se pose toujours la question de la femme qui porte ce vêtement et comment elle va se l’approprier. Notre ambition : aider chaque femme à trouver son style et mettre la mode à la portée de tous. Pas de total look, on mixe, on mélange, on décale, on met un jeans avec une veste couture, du wax sous un manteau en cachemire, un pyjama en soie avec des stilettos … chacune a le droit de choisir son look, d’être unique. Elle aide les femmes à trouver les clés de leur propre style.

Quelles sont les valeurs véhiculées par Elle ?
Elle est un magazine de lien entre les femmes et entre les générations. Notre spécificité est d’être lue par des femmes de 20 à 80 ans. Ce lien générationnel repose sur 5 valeurs :
– La pétillance : l’humour dans le style d’écriture et le choix iconographique
– La sagacité : c’est cette finesse d’esprit qui essaie de capter l’air du temps et de vous donner une écriture intelligente, une vision différente de l’actualité, qui serait celle des femmes
– La bienveillance : rien de tout cela n’est possible sans bienveillance. Il s’agit d’avoir un regard doux et bon sur les choses. Elle a le statut de bonne copine, qui donne des conseils.
– L’humanisme : aider la position des femmes dans leurs grands combats mais aussi au quotidien, dans leur vie personnelle et professionnelle
– La sororité : un mot compliqué qui traduit l’idée de tribu, l’esprit d’équipes, de sœurs. Ce sentiment d’appartenance à une forme de solidarité féminine.

Pouvez-vous nous raconter en quoi consiste votre poste de manager chez Elle International ?
Diriger une marque comme le Elle est une tâche formidable et passionnante. C’est aussi une vraie responsabilité. J’ai la charge de 4 magazines : Elle, Elle Déco, Elle à table, Art &Décoration. C’est-à-dire l’éditorial, bien sûr, mais aussi le digital, l’international — le magazine est présent dans 46 pays du monde , la diversification et les événements (Elle Active, Elle Zen, Elle Run).

Quel conseil donneriez-vous à une jeune femme qui souhaiterait marcher dans vos pas ?
Ce que je dirais aux jeunes femmes sur le marché du travail aujourd’hui c’est : osez ! Il faut oser demander. Très souvent quand on ouvre un poste, les femmes se disent : Est-ce que j’ai les bonnes compétences ? Est-ce que mon CV est bon ? Alors que les hommes postulent sans se poser toutes ces questions. Il faut qu’elles n’hésitent pas à faire leur autopromotion : savoir demander une augmentation, savoir créer leurs réseaux. J’ai eu la chance, compte tenu de mon éducation, de ne jamais avoir eu peur de demander. Nous revenons toujours à l’éducation…

Comment arrivez-vous à combiner votre vie de femme dirigeante d’une grande société et votre vie de mère ?
Aujourd’hui mes filles sont grandes, elles ont 25 et 27 ans. D’abord, il faut parler de l’importance des hommes. Toutes les grandes victoires remportées par les femmes n’auraient jamais pu arriver sans eux. Il faut inclure les hommes dans nos débats, dans nos combats… De mon côté, j’ai eu la chance d’avoir à mes côtés, quand mes filles étaient petites, un homme qui avait le sens de l’égalité et qui m’a toujours épaulée. Aujourd’hui, encore 80% des tâches ménagères sont assurées par les femmes dans les couples. Il y a des combats inclusifs à mener. La recette, c’est donc d’équilibrer et avoir un compagnon qui partage vos idées et que vous aidez en retour.

Par Stéphanie GUITTONNEAU